Comment réviser le montant ou la durée de la prestation compensatoire ?

La demande de révision de la prestation compensatoire doit être faite devant le Juge aux affaires familiales. L’avocat est obligatoire.

A.     La révision de la prestation compensatoire fixée judiciairement

Lorsqu’un jugement de divorce fixe une prestation compensatoire (ou décide de ne pas en accorder), il est toujours bien sûr possible aux époux de faire appel de cette décision, à condition de respecter les délais requis.

 

Lorsque l’appel d’une décision ayant fixé une prestation compensatoire n’est plus possible (soit parce que le délai est expiré, soit parce qu’un appel a déjà eu lieu et que la décision que l’on souhaite voir modifier est donc un arrêt de cour d’appel), il peut être encore possible de ressaisir le juge pour voir réviser le montant ou les modalités de versement d’une prestation compensatoire, dans certains cas.

1)     Révision de la prestation compensatoire versée sous forme de capital

Si la prestation compensatoire a été fixée en capital, vous ne pourrez en réviser que les modalités de versement et non le montant lui-même, conformément à l'article 275 alinéa 2 du Code civil.

 

En effet, l’article 275 du code civil dispose, dans son deuxième alinéa :

 

« Le débiteur peut demander la révision de ces modalités de paiement en cas de changement important de sa situation. A titre exceptionnel, le juge peut alors, par décision spéciale et motivée, autoriser le versement du capital sur une durée totale supérieure à huit ans. »

 

La révision de la prestation compensatoire peut donc être demandée par le débiteur de la prestation compensatoire, c’est-à-dire par celui qui doit la payer à son ex-époux.

 

Cette demande ne peut intervenir qu’en cas de changement important de sa situation, sur le plan financier. Par exemple, en cas de chômage ou de baisse importante de ses ressources.

 

Seule la situation financière du débiteur pourra être prise en compte.

 

Un éventuel changement des ressources du créancier n’aura pas d’impact sur le montant de la prestation compensatoire.

 

Le débiteur de la prestation compensatoire peut donc demander, en cas de changement important de sa situation, un étalement des versements.

 

Ce n’est donc pas le montant total de la prestation compensatoire qui pourra être modifié, mais seulement les modalités de paiement dans le temps : diminution du montant des échéances et une augmentation corrélative de la période de paiement.

 

 

Et alors que la règle est un paiement sur une durée inférieure à huit ans, le juge pourra alors exceptionnellement décider d’autoriser le versement du capital sur une durée supérieure à huit ans.

2)     La révision de la prestation compensatoire versée sous forme de rente

Lorsque la prestation compensatoire a, de façon exceptionnelle, été fixée sous forme de rente, sa révision peut être demandée, sous certaines conditions.

 

 

  • La révision, la suspension ou la suppression de la rente viagère

 

L’article 276-3 dispose :

 

« La prestation compensatoire fixée sous forme de rente peut être révisée, suspendue ou supprimée en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l'une ou l'autre des parties.

La révision ne peut avoir pour effet de porter la rente à un montant supérieur à celui fixé initialement par le juge. »

 

Contrairement à la demande de révision des modalités de versement de la prestation sous forme de capital, qui ne peut être demandée qu’en cas de changement important de la situation financière du débiteur, la demande de révision de la prestation compensatoire sous forme de rente peut être demandée en cas de changement de la situation du débiteur mais également du créancier.

 

Le demandeur devra démontrer un changement important de ses propres ressources ou des ressources de son ex-conjoint, tel que :

 

  • Une perte d’emploi, le chômage ou la maladie du débiteur de la prestation compensatoire ;
  • Le remariage ou le concubinage notoire du créancier de la prestation compensatoire.

 

Attention, le fait générateur du changement ne devait pas être connu, ni même prévisible au moment de la fixation de la prestation compensatoire. Sinon, en effet, on estime que le juge avait fixé la prestation compensatoire en ayant pris en compte cet élément connu ou prévisible.

 

La Cour de cassation a ainsi considéré que le départ en retraite de l’époux débiteur de la prestation compensatoire ne constitue pas en principe une cause de révision de la prestation compensatoire, à condition que les juges aient intégré ce départ en retraite lors de la fixation de la prestation compensatoire (Cour de cassation 28 juin 2005 n°02-16.556).

 

  • La substitution d'un capital à une rente

 

L’article 276-4 du Code civil dispose :

« Le débiteur d'une prestation compensatoire sous forme de rente peut, à tout moment, saisir le juge d'une demande de substitution d'un capital à tout ou partie de la rente (…)

 

Le créancier de la prestation compensatoire peut former la même demande s'il établit qu'une modification de la situation du débiteur permet cette substitution, notamment lors de la liquidation du régime matrimonial. »

B.     La révision de la prestation compensatoire fixée par convention entre les époux

Les époux peuvent signer une convention de divorce soit dans le cadre d'un divorce par consentement mutuel par acte d'avocats (divorce sans juge) ou dans le cadre d'une procédure de divorce devant le Juge aux Affaires Familiales (la convention signée par les époux est alors homologuée par la juge aux affaires familiales).

 

Dans les deux cas, il est possible de demander au juge aux affaires familiales la modification des mesures accessoires au divorce, et notamment de la prestation compensatoire.

 

Cette demande peut être faite conjointement par les deux ex-époux, s’ils sont d’accord : dans ce cas une nouvelle convention est signée et son homologation sera demandée au juge aux affaires familiales.

 

 

Cette demande peut également être faite par un seul des ex-époux.

1)     La révision de la prestation compensatoire fixée par convention entre les époux si aucune clause de révision n’a été prévue dans la convention de divorce

En l’absence de clause de révision de la prestation compensatoire dans la convention de divorce, les possibilités de modifications sont prévues aux deuxième et troisièmes alinéas de l'article 275 ainsi qu'aux articles 276-3 et 276-4 du code civil.

 

  • a)      La révision des modalités de paiement de la prestation compensatoire versée sous forme de capital avec paiements échelonnés :

L’article 275 alinéa 2  donne uniquement au débiteur de la prestation compensatoire, en cas de changement important de sa situation, de demander un étalement supplémentaire des modalités de paiement d’une prestation compensatoire, lorsque cette prestation compensatoire a été originellement fixée sous forme de capital avec paiements échelonnés.

 

  • b)     La libération du solde du capital :

L’article 275 alinéa 3 donne uniquement au débiteur de la prestation compensatoire la possibilité « de se libérer à tout moment du solde du capital indexé ».

 

  • c)      La révision, la suspension ou la suppression de la rente viagère :

L’article 276-3 : Il est possible à l’une ou l’autre des parties (logiquement le débiteur) de demander la révision (à la baisse uniquement), la suspension ou la suppression de la prestation compensatoire fixée sous forme de rente.

 

Le débiteur devra toutefois démontrer un changement important de ses ressources ou des ressources ou besoins de son ex-conjoint, tel que :

 

  • Une perte d’emploi, le chômage ou la maladie du débiteur de la prestation compensatoire ;
  • Le remariage ou le concubinage notoire du créancier de la prestation compensatoire.

 

  • d)     La substitution d'un capital à une rente

Le débiteur, tout comme le créancier, peut solliciter la conversion de la prestation compensatoire initialement fixée sous forme de rente viagère en un capital, conformément à l'article 276-4 du Code civil.

 

Le débiteur peut faire cette demande au Juge aux Affaires Familiales à tout moment.

 

 

Le créancier, s'il sollicite la substitution, devra établir qu'une modification de la situation du débiteur permet cette substitution (notamment lors de la liquidation du régime matrimonial).

2)     La révision de la prestation compensatoire fixée par convention entre les époux si une clause de révision a été prévue dans la convention de divorce

Le code civil dans son article 279 alinéa 3 prévoit que les parties pourront avoir prévu dans leur convention de divorce (sans juge ou homologuées par le juge) que, en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l'une ou l'autre des parties, l’une d’entre elle pourra demander au juge de réviser la prestation compensatoire.

 

On rappellera que, même en l’absence d’une telle clause dans la convention de divorce, les cinq cas prévus aux deuxième et troisième alinéas de l'article 275 ainsi qu'aux articles 276-3 et 276-4 s’appliquent.

 

Une clause de révision de la prestation compensatoire peut permettre plus de souplesse et d’élargir les cas de révision prévus par les textes en dehors de toute convention.

 

Ainsi, une clause de révision, générale ou circonstanciée, pourraient permettre ce qui n’est pas prévu par les textes en dehors de toute convention, comme par exemple la possibilité donnée au débiteur d’une prestation compensatoire sous forme de capital avec paiements échelonnés de demander la baisse, la suspension ou la suppression de la prestation compensatoire, en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l'une ou l'autre des parties.

 

En dehors de toute clause de révision dans une convention, cette possibilité ne concerne en effet que la prestation compensatoire fixée sous forme de rente.

 

La Cour de cassation a admis la demande de modification de la prestation compensatoire formulée par l’époux débiteur alors que la convention de divorce amiable prévoyait uniquement une révision par l’époux créancier.

 

Dans cette affaire, la convention de divorce prévoyait uniquement la révision à la demande de l’époux créancier de la prestation compensatoire. La Cour de cassation fait pourtant droit à la demande de révision de l’époux débiteur de la prestation compensatoire, protégeant ainsi l’époux en charge de payer la prestation compensatoire. Il y a ici l’idée que la révision découle d’un ordre public de protection.

 

(Cour de cassation 19 octobre 2004 n° 02-17.682)

C.     Date d’effet de la révision

Quelle est la date à laquelle prend effet une décision de révision de la prestation compensatoire ?

La prestation révisée est exigible dès que le juge a été saisi.

Cela signifie que la modification de la prestation compensatoire s’appliquera rétroactivement à la date de la saisine du Tribunal.

 

Cour de cassation 19 avril 2005 n°03-15.511